Les marchés marquent une pause…


Tempérés dans leur enthousiasme post-vaccin et post-élection américaine, les marchés ont terminé le mois de janvier sur une note légèrement négative. En cause, la persistance de la crise sanitaire en Europe, les résultats des GAFAM et un épisode spéculatif impressionnant aux Etats-Unis. Seule la Chine continue à avancer solidement (+3,1%), tandis que l’Europe et les Etats-Unis reculent respectivement de 1,1% et 0,5%. Pas d’inquiétudes à ce stade, car un peu de volatilité fait du bien à ces marchés qui progressent depuis plusieurs mois maintenant.

 

En Europe,

la crise sanitaire est toujours au cœur des préoccupations. La progression relativement lente de la vaccination et la présence de variants plus contagieux ont fait craindre de nouvelles restrictions sanitaires. Les marchés ont donc tremblé à la fin du mois, car un nouveau confinement pèserait lourdement sur le moral des ménages et des entreprises. Mais heureusement la courbe des infections ne s’est pas envolée, ce qui a permis aux gouvernements les plus prudents de maintenir un statu quo (Allemagne, France, Royaume-Uni), tandis que d’autres pays ont pu opter pour une réouverture progressive de leurs économies (Pologne, Italie, Grèce). L’Europe navigue donc toujours à vue face au coronavirus, mais les espoirs de sortie de crise sont suffisamment solides pour éviter aux marchés de corriger trop fortement.


Aux Etats-Unis,

l’histoire est bien différente. Alors que la Californie se déconfine, ce n’est plus le Covid qui est au centre de l’attention des investisseurs mais bien plutôt la saison des résultats des majors de la technologie, les GAFAM. Si nous avons d’abord assisté à un rallye haussier en anticipation de ces publications qui s’annoncaient historiques, une nette correction a suivi, confirmant ainsi le vieil adage boursier « achetez la rumeur, vendez la nouvelle ». Mais pas d’inquiétude sur la valorisation de ces nouveaux maîtres du monde. Leur capacité bénéficiaire est solide, et tant que les autorités antitrust n’interviennent pas, elles restent des valeurs sûres. Le reste de la cote a également surpris positivement, avec 80% des publications supérieures aux attentes. Bref, les entreprises américaines ont encore les reins solides.


Mais l’actualité a également été dominée par un combat spéculatif épique entre investisseurs individuels et hedge funds. A la faveur du confinement, toute une jeune génération d’investisseurs s'est lancée sur les marchés. Se regroupant sur les réseaux sociaux, ils ont réussi à déclencher plusieurs attaques coordonnées contre des positions de vente à découvert de certains hedge funds. Et le résultat a été impressionnant.

L'exemple le plus frappant a été celui de l'action Gamestop. Ce vendeur de jeux vidéos, en grande difficulté financière, était depuis plusieurs mois la cible de fonds spéculatifs qui pariaient sur sa faillite. Mal leur en a pris, car en quelques jours fin janvier, des dizaines de milliers de petits porteurs se sont portés acquérieurs de l'action, à des prix défiant tout entendement, provoquant ainsi une hausse de son cours de près de 2000%. Les hedges funds, pris à revers dans des proportions inimaginables, ont dû prendre leurs pertes, qui se chiffreraient à quelques treize milliards de dollars rien que sur le titre Gamestop.

C'est donc une nouvelle épée de Damoclès pour une partie de l'industrie financière, car cette force collective instantanée peut frapper à tout moment. C’est un peu la revanche de Main Street contre Wall Street. Et ironie de l'histoire, une grande partie de ces paris boursiers ont eu lieu via une application boursière se nommant "Robinhood". Ca ne s'invente pas !

 

En Asie,

l’ambiance est encore différente car la zone a été beaucoup moins touchée par la pandémie. La tendance reste donc fermement haussière, sans doute encouragée par la défaite de Donald Trump mais aussi par des valorisations toujours raisonnables, et ce malgré un épisode de volatilité à la fin du mois dû à une remontée des taux d’intérêt.
Mais le cœur de la question est bien plus important. Récemment, un gérant spécialisé sur la Chine nous expliquait avec quelles prouesses technologiques les Chinois ont réussi à contrôler la propagation de l’épidémie. Grâce à un traçage permanent des téléphones, les autorités ont réussi à isoler les cas positifs et les "cas contacts" avec une précision étonnante.  Nous étions habitués à une Chine copiant à bas coûts des produits occidentaux, ou bien fabriquant des objets de moyenne gamme. Mais c’est de l'histoire ancienne. La Chine est désormais le pays où les technologies de l’information sont les plus intégrées à la vie quotidienne de ses habitants. Ajoutons à cela le retour d'un grand nombre d'éminents chercheurs, poussés au départ par la présidence de Donald Trump, et nous avons un terreau parfait pour les innovations les plus ambitieuses. La Chine est donc devenue en quelques années un leader technologique incontournable.

 

En conclusion,

ce mois de janvier aura été très instructif, tant les trois zones économiques majeures ont suivi des trajectoires différentes. Mais malgré des épisodes de stress en fin de mois, le sentiment général reste toujours positif pour les actions. Les politiques économiques toujours accomodantes, le dynamisme des Etats-Unis et de la Chine et le rattrapage en cours en Europe sont de puissants courants porteurs.
Il faudra tout de même rester très attentif aux taux d’intérêt qui se redressent légèrement aux Etats-Unis et en Chine. La question du financement (ou de l'annulation) de la dette publique promet un débat houleux. Et un fort mouvement des taux d'intérêt pourrait occasionner une réaction en chaîne. Mais les autorités en sont bien conscientes et y seront particulièrement vigilantes.

Enfin, la perspective d'un retour prochain de centaines de milliers de boursicoteurs sur leur lieu de travail pourrait occasionner des épisodes de volatilité. S’ils venaient à sortir massivement des marchés au même moment, on pourrait assister à un mouvement baissier. Mais il sera probablement temporaire et à l’avantage des gérants actifs. La revanche de Wall Street contre Main Street ?

Emmanuel Domange 15 fév. 2021