Une nouvelle donne budgétaire ?

Depuis le mois de novembre et l’annonce des vaccins, les marchés sont imperturbables. Leur dynamique haussière ne faiblit pas et porte les indices vers de nouveaux plus hauts. Les investisseurs font le pari de la réussite de la vaccination et les données épidémiologiques semblent leur donner raison. Partout où elle a été massive (Israël, Etats-Unis, Royaume-Uni), les nouvelles contaminations sont en chute libre. La fin de la crise sanitaire semble donc très proche et les marchés s’en réjouissent.

 

Mais ce succès vaccinal n’est pas le seul facteur qui alimente la tendance. Le soutien des pouvoirs publics est également un élément incontournable. Jusqu’ici très généreux, il semble changer de dimension pour devenir pratiquement illimité. En effet, si le nouveau plan de relance de  l'administration Biden était adopté, il porterait l'ensemble des dépenses budgétaires américaines liées à la crise du Covid à près de 34% du PIB. Un soutien de cette ampleur était impensable jusqu’à récemment, mais il pourrait devenir la norme car une nouvelle théorie économique gagne en popularité : la théorie monétaire moderne.

Retour en arrière


En 2009, alors que la crise de subprimes faisait des ravages dans l’économie américaine, un groupe d’économistes s’était engagé dans un lobbying intense auprès de l’administration Obama afin qu’elle mette en place un plan de soutien massif à l’économie. Mais ce plan n’a jamais vu le jour, ce qui a valu à Barack Obama de nombreuses critiques pour sa trop grande orthodoxie financière. Après tout, comment justifier que Wall Street ait été soutenue sans la moindre hésitation, alors que dans le même temps, le soutien aux plus démunis se heurtait systématiquement à l’argument de l’équilibre budgétaire. Joe Biden se souvient certainement de ces critiques et semble avoir adopté l’approche de ces économistes et de leur théorie monétaire innovante.

Que nous dit cette théorie ?

Cette théorie monétaire moderne nous rappelle deux choses : la première, c'est qu'un Etat étant souverain monétairement, il peut librement imprimer sa monnaie pour rembourser sa dette; le déficit public n'est donc pas un problème en soi. La seconde, c'est qu'un euro dépensé par l'Etat est un euro encaissé par le secteur privé. A un déficit public correspond un enrichissement privé.

 Avec ces deux éléments en tête, on comprend que l'équilibre budgétaire n'a aucune importance en soi, et qu'il n'est en aucune manière un indicateur de santé de l'économie. En revanche, l'indicateur à suivre est l'inflation. Si elle est trop faible, cela signifie que les ressources productives du pays sont sous-employées. Il est donc stratégique pour l'Etat de créer et d'allouer des ressources financières (via le déficit public) pour accompagner l'économie vers son réel potentiel d'activité. A l'inverse, une inflation trop forte, synonyme d'économie en surchauffe, pousserait l'Etat à freiner l'économie via une réduction des dépenses et une augmentation des impôts.

Quelles conséquences pour l'investisseur ?

 Cette approche changerait la donne. En éliminant le plafonnement habituel des dépenses publiques, les Etats pourraient investir massivement sans lever de nouveaux impôts. Le retour probable de l'inflation serait dévastateur pour les placements obligataires, mais les investisseurs en actions bénéficieraient eux d'un double avantage : la participation aux bénéfices d'un sentier de croissance renouvelé et une protection efficace à la baisse en cas de choc exogène (comme lors de la crise du Covid).

 C'est un nouveau monde, mais il faut s'y préparer car il semble inévitable. La dette publique des pays occidentaux n'est plus soutenable et il faudrait des années d'austérité budgétaire pour espérer retrouver un équilibre. Ce scénario n'est pas très réaliste. Les Etats-Unis de Joe Biden semblent donc ouvrir cette nouvelle voie, dont nous ne connaissons pas encore bien toutes les implications sur le plan politique, mais qui semble néanmoins très prometteuse. À suivre...

 

Léopold Delaage 15 avr. 2021