La tendance haussière des marchés s’est poursuivie au mois d’août. Malgré un nombre toujours très impressionnant de cas positifs au Covid, leur gravité semble bien moindre qu'au printemps. Les économies continuent donc à se réouvrir et les investisseurs peuvent regarder au-delà de la crise. Si les tensions géopolitiques avec la Chine auraient pu faire dérailler la tendance, l’intervention surprise de la Federal Reserve américaine l’a consolidée. Le résultat a été une hausse spectaculaire de +7% du marché américain (bien qu’en partie en trompe l’œil) et une hausse plus mesurée en Europe (+3%), avec un rebond des secteurs cycliques comme l’automobile ou les banques, ce qui est de bon augure pour la rentrée.

Des statistiques encourageantes

Au cours de l’été, l’épidémie a continué sa progression partout dans le monde. Mais sa mortalité est incomparablement plus faible que lors de la vague de printemps (de 5 à 10 fois inférieure). Est-ce l’amélioration de la prise en charge des patients, une mutation du virus, la hausse du nombre des dépistages ou bien des tests trop précis qui prendrait en compte des personnes non contagieuses qui expliquent cette chute de la mortalité ? Difficile à dire. Mais cela permet aux gouvernements de garder la trajectoire de réouverture des économies.

(R)évolution

C’est la grande surprise de l’été. Et ses implications sont très importantes. La Federal Reserve américaine a modifié sa politique de lutte contre l’inflation et c’est une vraie révolution. Jusqu’à présent, elle agissait de manière préemptive : si l’indice des prix progressait au-delà de la limite des 2%, il fallait agir et remonter les taux. Désormais, il faudra que l’inflation dépasse « pendant un certain temps » la cible des 2% avant que la Fed n’agisse. Les investisseurs n’auront donc plus à craindre de brusque remontée des taux courts. Ils y gagnent donc beaucoup de visibilité et une garantie « pour un certain temps » du niveau de valorisation des actions.

Ce n'était pas une bulle...

C’était une baleine. Au mois d’août, l’envolée extraordinaire des valeurs technologiques américaines était inquiétante et avait tout d’une bulle. En un mois, l’action Tesla s’est appréciée de 74%, Apple de 21%, et les autres GAFA ont affiché des hausses supérieures à 10%. On craignait que cet emballement haussier soit le fait des nouveaux particuliers boursicoteurs, dont le nombre a doublé aux Etats-Unis depuis l’épidémie de Covid. C’était bien le cas, mais en partie seulement. Car c’est en grande partie un énorme investisseur (en jargon boursier, une "baleine") qui a alimenté cette bulle. Le conglomérat japonais Softbank, célèbre pour ses investissements osés dans le private equity (WeWork – Vision Fund), a en effet placé des paris haussiers gigantesques sur le marché des options. Dans l’affaire, il aura certes réalisé une plus-value de 4 milliards de dollars, mais aura perdu 9 milliards de capitalisation boursière, ses investisseurs n’étant pas vraiment rassurés par ce type de gestion. Quoiqu’il en soit, l’éclatement de cette mini-bulle début septembre aura permis aux marchés dans leur ensemble de s’assainir quelque peu. C’est un point positif.

 Un ticket modéré.

Après plusieurs semaines de suspense, Joe Biden a enfin révélé le nom de sa colistière pour les élections présidentielles de novembre. Il s’agit de Kamala Harris. C’est un choix modéré car elle ne représente pas l’aile gauche du parti démocrate. Il est donc prudent, ne voulant pas effrayer les centristes de son parti, et aussi coupant court aux accusations de « radical socialiste » que Donald Trump aime tant proférer à son encontre. La campagne est désormais lancée, mais le climat social est délétère. Il est clair que les marchés n’affichent pas de préférence entre les deux candidats, mais ils craignent en revanche un résultat trop serré, qui risquerait de paralyser le pays et d'engendrer des contestations violentes.

Un pays, deux systèmes un système…

De l’autre côté du Pacifique, l’illusion n’aura pas tenu longtemps. Hong Kong plie chaque jour un peu plus devant Pékin et doit faire le deuil de ses libertés. La communauté internationale réagit peu, mais les dommages sur l’image de la Chine sont importants. Avec les multiples tensions en mer de Chine, les combats avec l’Inde à la frontière himalayenne, la nouvelle génération de diplomates agressifs (les « loups guerriers ») et maintenant la fin de l’autonomie judiciaire à Hong Kong, la Chine développe une image belliqueuse dont les médias commencent à se faire l’écho. La Chine est dans une position délicate et les promesses d’investissement ne suffiront peut-être plus à détourner les regards de ce régime autoritaire. On parle désormais de…

« Découplage »

Le mot est lancé. Et il sera peut-être un des arguments forts de campagne de Donald Trump. Il ne parle plus de « son grand ami Xi », il ne parle plus de rééquilibrer les relations commerciales avec la Chine. Non, il parle désormais de séparer les deux économies : « Que ce soit en découplant, ou en mettant des droits de douanes énormes, nous allons en finir avec notre dépendance envers la Chine car on ne peut pas lui faire confiance ». On ne peut pas être plus clair. Et ce sentiment anti-chinois est partagé aussi bien par les démocrates que par les républicains. Nous verrons donc bientôt où les surenchères électorales conduiront la relation entre les deux pays.

En conclusion,

Les marchés ont démarré le mois de septembre sur une franche correction. Mais ce phénomène est très sain et a concerné essentiellement les valeurs technologiques. Les investisseurs n’y voient donc pas de grand danger. En revanche, la rentrée des écoles et des entreprises est une question plus délicate, car les chiffres toujours alarmistes du Covid empêchent un retour en toute confiance. Il ne faudrait pas que cette anxiété retarde trop le retour à la consommation, car les plans de soutien à l’économie ne seront peut-être pas illimités.
Sur le plan géopolitique, la situation est également délicate, en particulier vis-à-vis de la Chine. Face au durcissement de ton américain, fera-t-elle preuve de patience jusqu’à la tenue des élections ou bien alimentera-t-elle l’escalade ? Nous le découvrirons au jour le jour.

 

En attendant, les marchés semblent solides sur leur tendance haussière, grâce au soutien imperturbable des banques centrales et à la perspective des plans d’investissement dans la transition écologique notamment. Le réveil des opérations de fusions-acquisitions ou la vitalité du marché de la nouvelle mobilité sont autant de facteurs qui devraient maintenir l’humeur constructive des investisseurs.

 

 

 

Emmanuel Domange 16 Sep. 2020