Macroéconomie 1 – Banques centrales 0


En septembre, les marchés ont repris leur tendance haussière, encouragés par la reprise des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, l’apaisement relatif des manifestations à Hong Kong et les nouvelles baisses des taux directeurs aux Etats-Unis et en Europe. Le DJ Stoxx 600 européen gagne + 3,6% sur le mois, tandis le S&P 500 américain progresse de + 1,7%, inscrivant de nouveaux plushauts. Mais cette fois-ci, fait intéressant, ce ne sont pas les valeurs technologiques ou de type « qualité croissance » qui ont tiré les indices, mais plutôt le segment « value » de la cote, avec les valeurs financières et cycliques. L’appétit pour le risque est donc revenu sur les marchés actions, alors que l’or corrige quelque peu (-3,5%).


Mais début octobre, à l’heure où nous écrivons ce commentaire, un réel sujet d’inquiétude s’est confirmé sur le front macroéconomique et a entrainé une baisse instantanée et prononcée des marchés : le ralentissement du secteur manufacturier mondial.

Mesuré à l’aide des indices PMI (Monde) et ISM (Etats-Unis), c’est le repli inattendu de l’indice américain qui a déclenché la correction, effaçant en deux jours tous les gains du mois de septembre. Les longs mois de tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine ont fini par impacter les décisions d’investissement des entreprises. Si le secteur manufacturier ne représente que 16% de l’économie mondiale et 14% des emplois, sa détérioration fait tout de même peser une réelle menace sur la croissance.

Ce dur retour à la réalité explique le titre de ce commentaire. Depuis longtemps, à chaque signe de baisse de l’activité, les marchés réagissaient positivement en anticipant une baisse des taux. Mais ils semblent aujourd’hui de plus en plus insensibles à l’action des banques centrales. Les taux étant désormais à des niveaux exceptionnellement bas, il est probable que la baquette magique de l’injection monétaire soit devenue inefficace.

Ce tableau pessimiste doit néanmoins être nuancé et les investisseurs en sont conscients. Si le secteur manufacturier est à la peine, pratiquement tous les autres secteurs d’activité sont en croissance, tout comme le marché de l’emploi. Les actions restent encore l’actif liquide qui fait le plus de sens dans cet environnement risqué, mais l’or pourrait aussi jouer son rôle de refuge.


Car il ne faut pas oublier le sujet critique de l’inflation. Officiellement, elle peine à décoller. Mais certains estiment que les mouvements de contestation dans le monde (dont les gilets jaunes en France) sont le reflet d’un renchérissement du coût de la vie pour les classes les moins aisées. Les injections massives de liquidités ont profité aux actifs financiers et immobiliers, mais ont peu touché l’économie réelle, notamment au travers des salaires. Avec des banques centrales qui cherchent toujours activement à la relancer, des gouvernements qui vont bientôt retrouver de la marge manoeuvre budgétaire (grâce à la baisse de leur charge d’intérêt sur la dette) et les incertitudes sur le prix de l’énergie (pétrole, électricité), l’inflation pourrait rapidement réapparaître. Les conséquences pour la classe d’actif obligataire seraient désastreuses, mais l’or pourrait en profiter.


Pour ne pas oublier l’actualité politique, de nombreux sujets seront à surveiller dans les semaines à venir. Aux Etats-Unis, la campagne électorale approche et se présente assez mal pour Donald Trump qui doit affronter une procédure de destitution. Face à lui, la récente envolée dans les sondages de la démocrate Elisabeth Warren est une réelle menace pour les marchés. Elle projette en effet de démanteler les GAFA, de réguler les banques et d’interdire le fracking (fracturation hydraulique permettant d’extraire les gaz et pétroles de schiste) au secteur de l’énergie. Et elle a un plan pour ça.

En Asie, les tensions à Hong Kong sont graves. Tout dérapage du gouvernement chinois pourrait avoir de lourdes implications vis-à-vis de la communauté internationale.


En Europe, le Brexit reste une totale inconnue, Boris Johnson étant incapable de trouver une unité politique autour de lui.
Enfin au Moyen-Orient, le désintérêt croissant des Etats-Unis pour le pétrole saoudien fait peser une réelle menace sur la stabilité de la région. Des pays comme l’Iran ou la Turquie pourraient en profiter pour avancer localement.
L’agenda des investisseurs restera donc bien chargé.

Philippe Lefebvre 14 oct. 2019