Tension sur les taux…


Tension sur les taux longs, panique sur les valeurs technologiques, le mois de février a été le théâtre d’un ajustement très franc des marchés face à la résurgence des tensions inflationnistes. Heureusement les valeurs cycliques étaient là pour compenser la baisse des indices. En Europe et aux Etats-Unis les marchés parviennent à terminer le mois sur une légère progression d’environ 1%, tandis qu’en Chine, la résistance est moins bonne avec un recul de près de - 2%.

 

Hausse des taux longs

 Au cœur de l’attention des investisseurs, il y avait donc l’emprunt d’Etat américain à 10 ans et son taux de rendement. Tout au long du mois, ce taux a progressé de manière continue, passant de 1,07% à un pic de 1,53% le 25 février. Cela a une importance capitale, car il est à la base de la plupart des modèles de valorisation des actifs financiers. Une hausse soutenue de celui-ci oblige donc les investisseurs à revoir tous leurs calculs et à ajuster à la baisse la valeur des actifs qu'ils détiennent.

A l’origine de ce mouvement, on trouve plusieurs facteurs : la hausse du prix des matières premières depuis plusieurs mois, la bonne dynamique du marché de l’emploi et de la consommation des ménages, et enfin la perspective du nouveau plan de relance américain. Tous ces facteurs se sont donc conjugués pour rappeler aux investisseurs que la sortie de crise qui se profile pourrait être dynamique et donc inflationniste.

 

Chute des valeurs technologiques

 Cette perspective de remontée des taux a agi comme une sorte de douche froide pour les détenteurs de valeurs technologiques d’hyper-croissance. En effet, la valorisation exceptionnelle de ces titres reposait certes sur la croissance future de leurs bénéfices, mais aussi sur le taux d’actualisation de ces bénéfices futurs. Or une simple hausse de 0,5% a réussi à faire dévisser de plus 30% la plupart des stars de la cote (Tesla, Peloton, Zoom, DocuSign...). C'est dire la sensibilité qu'avaient ces titres au niveau des taux d'intérêt.

 Cette purge est très saine car les prix étaient exagérés. Elle pourrait encore se prolonger car la hausse des taux n'est probablement pas terminée. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'avenir boursier de ces entreprises soit totalement compromis. Elles sont en effet engagées dans une course au leadership mondial. Et les futurs vainqueurs retrouveront sans doute rapidement le terrain abandonné.

 

Rebond des cycliques

Heureusement dans cette tempête, il y avait un refuge avec les valeurs cycliques. Ces dernières sont très bien positionnées pour une reprise dynamique de l'économie et ont donc retrouvé facilement la faveur des investisseurs. Avec en tête les secteurs de l’énergie et de la finance, mais également les valeurs industrielles, elles ont donc joué un rôle d’amortisseur bien nécessaire.

 

En conclusion

Ce mois de février aura été un rappel à la réalité pour les marchés. Les valeurs technologiques n’ont pas le monopole des bénéfices futurs et leurs valorisations exceptionnelles n’étaient valables qu’au cours d’une année exceptionnelle. L’économie « off-line » existe toujours bel et bien, et devrait profiter largement de la normalisation de la situation sanitaire.

Dans les semaines à venir, les investisseurs suivront avec attention l’évolution des anticipations d’inflation car cela reste un sujet très sensible. Une remontée trop franche des taux pourrait faire dérailler la reprise, et personne ne souhaite ce scénario. S'il devait se matérialiser, il faudra compter sur une action très ambitieuse de la part des banquiers centraux. En effet, contrôler la partie longue de la courbe des taux n'est pas une mince affaire tant les montants nécessaires sont importants. Mais heureusement il existe aujourd'hui un consensus politique très fort pour maintenir "quoiqu'il en coûte" les économies sur le chemin de la reprise.

 

Jean de Lambertye 15 Mar. 2021